PAROLES D'UN RIVEUR

Paroles de Mr Thomas Joachim enregistrées le 6 avril 2002. Rencontré lors du printemps des musées à l’éco-musée de St Nazaire.

Ancien riveur aux Chantiers, 93 ans.

Extraits :

« Je suis né en 09. J’ai commencé à travailler en 23 et puis j’en suis parti en 72. J’avais 14 ans. J’ai travaillé sur «l’Atlantique», le «Champlain», «l’Ile de France», le «Jean Bart» (...) » 

Mr Thomas parlant de son métier au "Printemps de l'Ecomusée" 06/04/2002

J’étais d’abord teneur de tas. Mais j’ai commencé comme « mousse » aux Chantiers de la Loire, j’avais 14 ans ; pendant deux ans ; après, on m’a mis à Penhoët encore deux ans. J’avais 18 ans quand on m’a mis teneur de tas. Ils avaient embauché des riveurs et y avait pas de teneurs de tas pour les équiper. J’ai donc fait le teneur de tas, un peu dans tous les coins. Une fois, j’étais rentré dans un ballast à bord d’un aviso, par un «trou d’homme» et il fallait être à quatre pattes là dedans. On était à river le plafond. J’étais en dedans à appuyer les rivets. Le riveur était dessus. Il y a un rivet qui m’a tombé dans le cou. Heureusement, j’l’ai attrapé avant qu’il descende plus bas et puis je l’ai jeté. Il était chauffé à blanc ».

«J’étais longtemps dans une équipe de rivetage. Il fallait avoir l’oeil pour faire ce travail. On travaillait souvent sur des échafaudages à 15-20 mètres. On était payé à la fiche». Je posais 400 à 430 rivets par jour. Les plus gros que j’ai posés, c’était sur le «Jean Bart». C’était en 38. Ils avaient 50 de diamètre. Ils faisaient 270 à 300 de long. On en mettait 50 par jour. C’était tellement dur à tenir. C’étaient des rivets qui se mettaient sur le pont. Mon matelot, c’est à dire le «teneur de tas», il était en dessous, le chauffeur de rivet pareil.

« Quand il faisait froid, toujours avant de commencer à travailler, on mettait toujours du gas-oil. Il fallait alimenter le pétard parce que ça chauffe. Dans la matinée, on en mettait plusieurs fois. Fallait graisser de temps en temps le marteau. On n’mettait pas d’huile pure parce que ça faisant trop gras. Alors c’était mélangé avec un gaz-oil ».

« La soudure ? Elle est venue. Je l’ai vue débuter. Moi j’étais à « la Loire » à ce moment là. C’était sur un croiseur en 36, le « Marseillaise ». C’est là qu’y avait pas mal de soudure. Mais ils étaient pas beaucoup de soudeurs à «la Loire», cinq ou six. Les jeunes n’ont pas voulu rester comme teneur de tas. Comme ils embauchaient à la soudure, ils y sont partis. Mais moi, j’étais déjà un peu trop vieux pour aller à la soudure ».

Moi, je ne les voyais pas, j’étais au dessus. Alors quand il mettait le rivet, moi je le coinçais avec un bout de vergette en attendant qu’il mette son tas pour le tenir et moi, je me mettais à frapper. Le rivet était blanc, en ébullition, je le rivais. Je n’avais pas mal aux reins à ce moment là, j’avais 28 ans, Ah Ah Ah ! Alors y fallait en mettre 50 par jour. Quand j’en avais mis 6 ou 7, j’arrêtais parce que je pouvais plus tenir le marteau, le «pétard», car il était chaud.

le "pétard" (Ecomusée de St- Nazaire)

Ca s’écrasait quand même mais quand je faisais le contact avec le blindage, c’était plus pareil. C’était plus le même son. Pour emboutir, il fallait une force de cheval. Ah oui! C’est avec le «pétard» que j’ai fait du sport, 6 jours par semaine. Par n’importe quel temps, il fallait le prendre. J’étais pas aux bains de mer. Je travaillais avec des sabots de boeufs, des sabots de bois et le feu prenait dans mon sabot. Alors j’avais mis un bout de tôle sur le côté pour pas brûler le sabot. Ca empêche pas que des fois, j’avais une bosse comme ça sur le côté, avec la chaleur. Ah oui, ben tout ça c’est du vieux ».

Riveur sur le Normandie 1931(cliché Ecomusée de St-Nazaire)

«Lorsque le rivetage a disparu, j’avais presque 50 ans, on était chanfreineur. On chanfreinait les joints pour la soudure. Il y avait des fois à reprendre à la tôle ; on enlevait ça au burin et puis on avait aussi le lapidaire pour mettre ça propre. Il fallait tout faire, quoi ! Jusqu’au «France», il y a eu un peu de rivetage.

collection Ecomusée St-Nazaire

On rivetait encore la « tôle-carreau », c’est à dire sur la partie de la coque juste avant le pont supérieur et puis la «tôle-bouchin» qu’est juste entre « le bordé de fond » qui touche à la «tôle-quille» et le «bordé de muraille» là où la coque devient verticale ».

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